Pour ce premier article d'analyse cinématographique, starfucker s'intéresse à un cinéma tout à fait particulier et très populaire, surtout auprès de la jeunesse... Le "slasher".
Couteaux tirés, mystérieux masque et survivante intrépide… La recette parfaite d’un bon vieux slasher movie.
Comment ce cinéma d’horreur parvient-il à subsister au temps qui passe ?
Le slasher est un sous-genre horrifique tout à fait particulier (NDLR : en français, aucune traduction n’est attestée, on pourrait maladroitement traduire le nom par “assaillant au couteau”) qui a connu un grand succès auprès de ses contemporains mais également posthumément. Ils occupent une place très importante dans notre culture populaire.
Les slashers ont connu un âge d’or d’une dizaine d’années, ce qui semble assez court au vu de la popularité des films ; avant que le public ne se détourne, fatigué de voir des films aux scénarios sans cesse répétés. Pour autant, les films du genre demeurent de véritables succès financiers et des productions mémorables, reprises dans leurs franchises respectives (Halloween, Les Griffes de la Nuit, Friday the 13th).
Cet âge d’or, mystérieusement ressuscité à la fin des années 1990 (entre autre avec Scream en 1996), est pourtant le marqueur d’un univers sanglant, certes mais tout à fait intéressant par la formation d’un modèle de scénario à suivre pour réussir un parfait slasher.
Origines du genre : thrillers et psychoses
Que l’on considère la naissance du sous-genre avec la sortie de Black Christmas (1974) de Bob Clark ou avec Halloween (1978) de John Carpenter, les deux reprennent des éléments de cinéma déjà établis par plusieurs générations de réalisateurs. Il est donc fondamental de considérer que ce genre est l’héritier des thrillers horrifiques comme Psychose (1960) d’Alfred Hitchcock et toute une série de films qui mettent en avant un personnage de malade mental. Le personnage du tueur dérangé dérive vers le cinéma d'horreur pour des raisons d'actualité. À cette même période, une panique ambiante existe déjà en raison des nombreux meurtres et viols commis par des tueurs en série en cavale. D'où la popularité des films qui en mettent en scène.
Progressivement les thrillers horrifiques, qui étaient sous le contrôle du Code Hays*, vont de plus en plus mettre en scène des meurtres violents, gores, où le sang jaillit. En parallèle, dans les années 1970, les réalisateurs italiens produisent des films dans le même ordre d’idées : les crimes y sont violents, représentés à l’écran, avec une tonalité érotique tout à fait italienne… Parmi les influences italiennes du slasher, on peut citer Ecologia del delitto (La Baie Sanglante) (1971) de Mario Bava ou bien I corpi presentano tracce di violenza carnale (Torso) (1973) de Sergio Martino. (NDLR : Ils sont connus sous l’appellation giallo, “jaune”, dérivés de l’adjectif attribués à une série de romans de crimes).
*(NDLR : code de conduite d’Hollywood de 1934 à 1968, définissant ce qui doit être ou non représenté sur l’écran et assurant une autocensure du cinéma américain invraisemblable et sévère)
Tout cet univers particulier, intriguant et surtout d’une rare violence donne alors naissance au genre du slasher et à sa recette bien composée.
Éléments clés du genre analysés
Selon la critique et professeure Vera Dika, la formule du slasher se tient tout bonnement en une alternance entre scènes de voyeurisme et scènes de meurtre. En effet, la scène de meurtre se produit quasiment toujours après celle du voyeur - c’est la fameuse scène où le spectateur voit la future victime en même temps que le tueur voit sa proie, ce dernier préparant ainsi le meurtre. Le meurtre n’est donc point spontané mais il est préparé : le suspense grandissant en même temps que la peur qui se manifeste chez le spectateur avant son hurlement (et celui de la victime).
Cette formule est sans doute tirée de son analyse des scènes d’ouverture de Black Christmas et Halloween qui sont toutes deux des scènes de voyeurisme, schéma répété tout au long du film à la manière des meurtres dans Scream.
Tout bon slasher met en scène un tueur dérangé, le personnage du psychokiller. Le tueur est un malade mental, souvent lié à la sexualité. Il prend plaisir à assassiner - généralement - les personnages féminins. C’est un personnage, qui, dans ses meurtres, dévoile ses tourments expliqués par l’évocation d’un ou de plusieurs traumatismes. Dans les divers films évoqués dans cet article, on peut aisément trouver un point commun : la relation parentale fait l’objet du traumatisme. Les tueurs ont des relations excessivement ambiguës avec leurs parents (de l’ordre du divorce, de la mort de l’un des deux, maltraitance infantile)... qui concorde ainsi avec leur obsession pour le personnage principal qui est une femme (dont on peut, bout en bout, raccrocher à la pathologie freudienne du complexe d’Œdipe).
De plus, il s’agit d’un tueur à masque : son identité n’est pas révélée et elle fait l’objet de la quête des personnages. Mais en réalité, le masque rend iconique son tueur. Si son visage n’est pas connu, le masque, lui, demeure un élément attrayant, effrayant et reconnaissable. Évidemment, le masque se glisse dans la perspective d’une intrigue à mystère mais il est également un instrument de la tonalité horrifique dans la mesure où c’est ce qui confère au tueur un retour à ses tourments.
Massacre à la tronçonneuse (1974), Tobe Hooper, Scream (1996) et Psychose (1960) en sont trois parfaits exemples parce que pour les deux plus anciens, le masque porté n’est pas un attribut factice ou un déguisement de plastique mais il est fabriqué à partir du cadavre d’un personnage tué auparavant. Les tueurs masculins changent de genre (ils deviennent, en somme, féminins parce que ce sont des masques de femme) tout en renouant avec leurs traumatismes d’enfance.
Tandis que le masque de Scream, lui, permet de faire surgir chez l'héroïne, Sidney Prescott, le traumatisme de l’assassinat de sa mère, un crime commis sans visage.
La protagoniste féminine, la final girl. Ce concept est très utilisé par les slashers puisqu’ils permettent de faire résoudre le dénouement final par une course poursuite avec l’héroïne du film qui est prise au piège du tueur. Elle répond à certains codes déjà formatés : elle constitue l’objet de l’excessive obsession du tueur soit par un amour démesuré, soit par la sordide ressemblance avec une personne connue dudit tueur. Elle est liée, d’une manière ou d’une autre, à un événement du passé (vécu soit par le tueur, soit par elle-même).
Cette survivante qui, tout au long de l’aventure, subit la perte de ses proches est la dernière de l’échiquier. Son but étant de survivre par tous les moyens possibles jusqu’à l’échappatoire final. C’est le cas de Sidney Prescott dans Scream ou de Sally Hardesty dans Massacre à la tronçonneuse avec la célèbre scène ultime où Leatherface brandit, impuissant, sa tronçonneuse en l’air… À défaut de périr comme les tueurs masqués de Scream, assassinés les uns après les autres par la final girl.
En fait, tous ces éléments ont popularisé le genre à l'échelle internationale par son iconicité ultime. Se sont mélangés des codes particuliers de l'horreur à ceux scénaristiques qui sont typiques de la fiction d'enquête : les assassinats un par un : le whodunit (qui l'a fait ?) avec un nombre restreint de personnages ; la chambre close, un seul lieu où se déroule l'action avec le schéma du tueur dans la maison...
Et l’essentialisation de tous ces codes inscrits dans l’art ont influencé les genres modernes dès les années 2000. Se sont simplement ajoutées les questions sociales, psychologiques, qui étaient déjà évoquées dans certains films (l’avortement dans Black Christmas, les familles américaines déclassées consanguines dans les campagnes dans Massacre à la tronçonneuse) avec un ton noir et cynique.
Enfin, ne laissons jamais de côté la possible lecture érotique des films d'horreur : ce cannibalisme ne serait-il pas, en somme, une forme propre de pornographie ?
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Fame27-10-2024Trop intéressant omg